Face à la concurrence des fintechs indépendantes, les banques françaises ont aussi leur carte à jouer !
Développée au sein de La Fabrique – l’incubateur de startup du Crédit Agricole -, la néobanque Blank essaie d’apporter une offre sur mesure aux professionnels.
Blank propose en effet des services comme la facturation en ligne et des assurances pensées pour les indépendants.
Quel est l’ADN de Blank ? Comment s’est passé son développement au sein du Crédit Agricole ? Quels sont les évolutions en cours ?
Voici les réponses de Simon Parisot, Directeur Général et Fondateur de Blank.
Conçue en 2019 en pleine période de Covid au sein de La Fabrique by CA, et lancée en 2020, Blank compte plus d’une trentaine de salariés.
Pour l’instant Blank se concentre sur le marché français, en profitant de l’expertise du Crédit Agricole.
Simon Parisot.
Diplômé de Supelec, Simon Parisot possède une expertise en technologie de l’information et programmation qu’il mettra au service des banques françaises d’abord au sein de Wavestone, puis de LaFabrique dont il est le cofondateur, avant de devenir directeur technique puis enfin directeur général de Blank.
Lire aussi notre avis sur Blank.
Mobile Transaction (MT) – En anglais, le terme «blank » évoque l’idée de page blanche. Cette idée de créer quelque chose à partir de zéro, est-elle centrale dans la création de Blank ?
Simon Parisot – C’est exactement ça ! Blank accompagne ceux qui se lancent, ceux qui créent leur propre activité, qui sautent le pas et deviennent leur propre patron. C’est une aventure passionnante, qui attire de plus en plus, mais par bien des aspects, c’est aussi un saut dans l’inconnu. La notion de « page blanche » nous paraissait parfaite pour incarner cette idée.
MT – Blank a démarré au sein de La Fabrique, l’incubateur de startup dont vous êtes co-fondateur, qui appartient au groupe Crédit Agricole. Étiez-vous vraiment libres ou avez-vous tout de même souffert d’un héritage bureaucratique par rapport à d’autres concurrents qui se sont développés en dehors d’une banque traditionnelle ?
Simon Parisot – Loin d’être un « héritage bureaucratique », le startup studio La Fabrique est l’une des raisons du succès de Blank jusqu’à maintenant. En 2020, nous avons mis sur le marché une nouvelle offre de compte pro en 9 mois, puis rattrapé (et distancé sur plusieurs aspects) la majorité de la concurrence dans l’année qui a suivi. Cela n’aurait pas été possible avec un « héritage bureaucratique » !
L’environnement néobanque a changé ces dernières années, et est devenu beaucoup plus difficile pour les fintech qui n’ont pas d’appui solide. Les rachats récents de néobanques en sont une bonne illustration (Shine par la Société Générale, Anytime par Orange Bank, …).
« L’environnement […] est devenu beaucoup plus difficile pour les fintech qui n’ont pas d’appui solide. »
Nous savions dès le début que l’appui d’une « banque traditionnelle » comme le Crédit Agricole était indispensable, mais cela était impossible à réussir sans une structure d’intermédiation comme La Fabrique. Cela nous permet d’être parfaitement libre de nos choix, tout en bénéficiant d’un appui (financier, règlementaire, bancaire…) dès que cela est nécessaire.
MT – Pourquoi avoir finalement choisi de vous concentrer sur Blank. Qu’est-ce que ce projet avait de particulier pour vous ?
Simon Parisot – Le travail indépendant est au début d’une transformation massive et une multitude de signes montrent que cela pourrait être la prochaine grande révolution du monde du travail.
Par ailleurs, notre connaissance du monde des paiements nous permettait de voir de nombreuses opportunités pour simplifier la vie de ces indépendants et accompagner ce mouvement de fond. Et tout ceci n’est possible que grâce à de l’ingénierie, à de la « tech ».
« Le travail indépendant est au début d’une transformation massive. »
Il n’a pas fallu longtemps à la petite équipe initiale de Blank pour décider de se lancer corps et âme dans un projet mêlant transformation sociétale majeure, industrie du paiement et tech !
De droite à gauche Simon Parisot et Charles-Henri Alloncle, co-fondateurs de Blank et Ednar Amavi-Tekle, graphiste.
MT – Sommes-nous passés d’une pénurie d’offres bancaires pour les indépendants à une situation pléthorique ?
Simon Parisot – Oui, les « petits professionnels » au sens large (incluant les indépendants) sont depuis environ 2 ans au cœur des préoccupations de beaucoup de nouveaux acteurs. Et c’est une bonne nouvelle ! Car il y a beaucoup de choses à changer et à simplifier et le nombre de professionnels concernés ne cesse d’augmenter. Néanmoins aujourd’hui, la totalité des néobanques pro confondues n’ont réussi à convaincre que 10 à 15% du marché, qui reste encore majoritairement chez des acteurs traditionnels. Il reste encore beaucoup à faire !
MT – Passons aux spécificités de l’offre de Blank.
Blank est ouvert à de nombreuses formes d’entreprise allant de l’EI à la SARL. Pour autant, vous revendiquez le fait de vous adresser principalement aux indépendants. Pourriez-vous définir un ou plusieurs profils types dans la clientèle de Blank ?
Simon Parisot – Il ne faut pas confondre trop rapidement micro-entrepreneurs (exclusivement en EI) et indépendants ! Blank s’adresse à tous ceux qui sont leur propre patron, qui n’ont donc pas de directeur financier pour gérer leurs factures, leurs encaissements et suivre leur trésorerie. Ceux qui n’ont pas de revenu assuré s’ils sont arrêtés pour raisons de santé. Ceux qui ont du mal à comprendre quoi déclarer à qui.
« Blank s’adresse à tous ceux qui sont leur propre patron. »
Et l’expérience nous montre que ces personnes sont dans toutes formes d’entreprises, de l’EI à la SARL, et sur de nombreux types d’activités. En pratique, la moitié des clients de Blank ne sont pas en EI.
MT – Les assurances jouent un rôle très important dans l’offre de Blank. Quel est le constat qui vous a poussé à aller dans ce sens ? Du côté de vos clients, quel est l’avantage de passer par Blank ?
Simon Parisot – Un indépendant, à la différence d’un salarié, ne récupère pas gratuitement un nouveau matériel de travail (ordinateur, voiture, outil, …) si le sien le lâche. Un indépendant, à la différence d’un salarié, n’est pas rémunéré à 100% s’il doit s’arrêter de travailler pour raison de santé. Globalement, un indépendant est beaucoup plus exposé aux aléas de son activité et de l’économie.
« Un indépendant est beaucoup plus exposé aux aléas. »
C’est pour cela que nous avons choisi de placer plusieurs assurances au cœur de nos offres : protection à l’étranger et protection contre la fraude carte bien sûr, mais également maintien des revenus en cas d’hospitalisation et protection du matériel. Et nous proposons également via nos partenaires des assurances plus spécialisées comme la RC Pro.
MT – Pourquoi ne pas avoir créé un forfait 100 % dématérialisé et encore moins cher ? Le dépôt de chèques est-il toujours indispensable en 2022 ?
Simon Parisot – La carte est encore assez demandée, mais nous étudions effectivement la possibilité de la rendre optionnelle. Quant au dépôt de chèques, c’est malheureusement un moyen de paiement obsolète mais toujours suffisamment utilisé en France pour qu’il doive figurer dans nos services.
L’équipe de Blank.
MT – Afin de faciliter la tenue de la comptabilité, Blank prévoit-il d’ajouter la numérisation des justificatifs de dépense ? Est-il prévu de connecter Blank à des logiciels de comptabilité par l’intermédiaire d’une API comme le fait Qonto ?
Simon Parisot – Bonne nouvelle, la numérisation des justificatifs de dépense est déjà disponible sur Blank ! Prenez en photo votre justificatif, la TVA et la catégorie sont automatiquement détectées et le justificatif est rangé proprement avec la transaction. Vous pouvez à tout moment générer un export comptable (comprenant les transactions + les justificatifs) pour utilisation dans n’importe quel logiciel de comptabilité. Le branchement par API est en cours de construction.
MT – Blank est soutenu par le Crédit Agricole, qui est l’une des dix plus grandes banques du monde. Avec un tel soutien, l’idée d’une expansion en dehors de nos frontières doit pouvoir s’envisager sereinement, non ?
Simon Parisot – Le groupe Crédit Agricole est un allié de poids, ne serait-ce qu’en France ! Une expansion en Europe est effectivement envisagée avec leur appui, mais notre focus est pour l’instant sur le marché français, déjà largement en ébullition (+1 million de création d’entreprises en 2021 !).
« Notre focus est pour l’instant sur le marché français. »
MT – Quelques questions plus personnelles pour finir :
Vous avez effectué une ascension fulgurante dans le secteur de la Fintech. D’après notre constat, les profils d’ingénieurs comme le vôtre sont bien représentés parmi les dirigeants de ce secteur. Est-ce parce que les ingénieurs sont tout simplement meilleurs pour résoudre des problèmes ?
Simon Parisot – Créer une fintech comme Blank nécessite de toucher à de nombreux sujets très différents : tech, réglementation bancaire, infrastructure de paiement, administratif et comptabilité des indépendants, marketing, … Pour lancer et piloter une telle entreprise, il faut maîtriser tous ces sujets, chacun avec leur lot de risques et d’opportunités. Et la polyvalence est l’un des points forts de la formation d’ingénieur, ce constat ne m’étonne donc pas !
MT – Que recherchez-vous chez ceux qui vont rejoindre votre équipe ?
Simon Parisot – La curiosité ! Nous touchons à des domaines extrêmement diversifiés avec une équipe restreinte et il y a une infinité de façon d’améliorer notre produit, notre organisation, d’inventer et de proposer de nouvelles façons de faire. La soif d’apprendre et l’autonomie sont des piliers de l’équipe Blank et sont un critère majeur dans le choix de nouveaux membres.
« La soif d’apprendre et l’autonomie sont des piliers de l’équipe Blank. »
MT – Question subsidiaire (à vrai dire nous sommes très curieux de connaître la réponse): Comment se fait-il que vous parliez suédois ?
Simon Parisot – J’ai étudié un an à Stockholm, à KTH ! Mais je dois être parfaitement honnête, malgré des cours intensifs et beaucoup de pratique, mon niveau est assez proche de « Brian är i köket » 😅