Vous avez ouvert un compte dans un pays européen, mais une administration ou une entreprise vous demande un numéro de compte français pour les virements et prélèvements ?

Vous êtes victime de discrimination à l’IBAN.

Ce n’est pas très agréable et c’est surtout illégal.

Heureusement, le législateur a pris des mesures vigoureuses pour mettre fin à ces abus.

Qu’est-ce que la discrimination à l’IBAN ?

Tout d’abord, rappelons que l’IBAN (international bank account number) est une suite de chiffres et de lettres utilisée pour identifier les comptes bancaires et de paiement en Europe, dans les 36 pays de la zone dite SEPA (Single Euro Payment Area espace unique de paiement en euros). 

Cette zone regroupe tous les États membres de l’Union européenne (y compris les États qui n’ont pas adopté l’euro comme monnaie nationale) et neuf États non membres de l’UE (Vatican, Principauté de Monaco, Andorre, Norvège, Royaume-Uni, Islande, Liechtenstein, Suisse, Saint-Marin).

Discrimination à l’IBAN est une expression désignant le refus de la part d’une entité – entreprise ou administration – d’utiliser un IBAN pour effectuer un virement ou un prélèvement sous prétexte que le compte est localisé dans un autre pays de la zone SEPA.

Le terme de discrimination est-il trop fort ou inapproprié ? Ce n’est pas à nous de trancher.

Exemple de « discrimination à l’IBAN » : vous vivez en France, mais êtes titulaires d’un compte basé en Allemagne, dont l’IBAN commence par les initiales DE et non FR. Vous souscrivez à un service – par exemple un contrat de téléphone, d’électricité ou de gaz – mais le fournisseur refuse que vous payiez la facture avec votre IBAN parce qu’il n’est pas français.

Des clients de néobanques françaises comme Nickel ont parfois des problèmes avec certains opérateurs pour mettre en place des prélèvements. On pourrait dire qu’il s’agit d’une forme de discrimination à l’IBAN, même si cette expression n’est pas souvent employée dans ce sens.

Les néobanques poussent la France à la réforme

Ce sont les clients des néobanques basées à l’étranger comme ou N26 (IBAN allemand) ou Wise (IBAN belge) qui ont été le plus victimes de cette discrimination contraire au règlement européen n° 260/201 [1].

En réaction, Wise et de nombreuses néobanques se sont associés pour fonder le site Accept my IBAN [2], destiné à recevoir les plaintes de consommateurs à l’échelle européenne. La plateforme permet de saisir très exactement l’objet de sa plaine et même d’ajouter des copies d’écran, de manière anonyme.

Le résultat publié en octobre 2021 sur le blog de Wise [3] était édifiant : sur plus de 1000 plaintes, 41,5 % concernaient la France. Autre surprise : c’est le  secteur public qui posait le plus de problèmes à l’échelle européenne. En France l’administration fiscale et l’assurance maladie étaient particulièrement pointées du doigt par cette enquête.

Cas de discrimination à l’IBAN (étude Accept my IBAN de 2021) :

Le législateur français a heureusement pris la mesure du problème en  renforçant les sanctions par une loi du 8 octobre 2021 [4], modifiant le Code monétaire et financier, et punissant de 75 000 € d’amende les personnes physiques et de 375 000 € les personnes morales qui ne respectent pas certains points du Règlement 260/2012 du Parlement européen [1], notamment l’article 9 sur l’accessibilité des paiements, qui précise que ni le payeur ni le demandeur n’ont à exiger que le compte de paiement soit situé dans tel ou tel état.

Que faire en cas de discrimination ?

Si le fautif est un commerçant, le plus simple est de lui envoyer un courrier lui rappelant la loi. Le défenseur des droits avait rappelé la loi dans une décision de 2019 [5], qu’il est toujours bon de rappeler, mais celle-ci ne comporte pas de références aux amendes instaurées depuis.

Si cela ne marche pas,  effectuez un signalement auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) par le biais de la plateforme Signal Conso [6], en espérant qu’une enquête soit ouverte. La DGCCRF peut infliger elle-même des amendes aux contrevenants.

L’étape suivante, en cas de refus,  est le tribunal de commerce : requête conjointe des deux avocats pour trancher le litige ou assignation si le commerçant n’est pas coopératif.

Avec l’administration c’est plus compliqué. On peut commencer par envoyer un courrier de réclamation, en rappelant la loi, comme précédemment.

Signal conso ne fonctionne pas en cas de manquement de l’administration. Il faudra se contenter d’un dépôt de témoignage dans la rubrique « Je donne mon avis » du site Service Public+ [7].

Si l’on souhaite aller jusqu’au contentieux, cela peut relever du tribunal administratif ou non, selon que l’établissement concerné est public ou privé. Il faut demander conseil à un avocat.

Un problème qui n’en est plus un ?

En France le législateur a clairement tranché en faveur du consommateur en instaurant des sanctions financières importantes et en permettant à la DGCCRF de réprimer par des amendes importantes les abus signalés sur une plateforme grand public.

Il sera intéressant de suivre les résultats de la prochaine enquête du site Accept my IBAN.

Il faut enfin signaler que certaines néobanques étrangères offrent maintenant un RIB français. Il s’agit de l’allemand N26, des Britanniques Revolut (particuliers uniquement)  et Monese, et enfin du néerlandais Finom.  Une manière encore plus radicale de mettre fin à la discrimination à l’IBAN.