Imaginez votre commerce sans caisse enregistreuse et sans moyens fiables d’enregistrer les ventes du jour.
C’était la réalité de beaucoup de commerçants avant les années 1880. Ils n’avaient pas une idée exacte de leurs recettes journalières et se faisaient souvent voler par leurs employés.
Tout ceci changea lorsqu’un propriétaire d’un obscur saloon de l’Ohio eut une idée géniale, qui révolutionna le commerce pour toujours.
La première de l’histoire : « la caisse incorruptible de Ritty »
Après la Guerre de Sécession américaine, à la fin des années 1880, le commerce connu un essor important. Pour accélérer les paiements de la part des clients, de nouvelles recrues furent embauchées, qui pouvaient hélas facilement se servir au passage, puisqu’il n’y avait pas de moyens de contrôle efficace.
Ceci prit fin, lorsque James Ritty (1836-1918), propriétaire d’un saloon à Dayton dans l’Ohio, inventa la première caisse enregistreuse mécanique. Son bar, le Pony House, connaissait un franc succès. Malheureusement, des employés peu honnêtes avaient tendance à ponctionner les recettes du jour à leur profit. Excédé, Ritty finit par trouver la solution, lors d’un voyage en bateau à vapeur vers l’Europe.
Sur le bateau, il fut fasciné par un mécanisme qui comptait les tours d’hélice. Il se demanda si un mécanisme similaire ne pouvait pas être utilisé pour garder la trace des paiements au Pony House. (Source : article du National Museum of American History )
La Caisse Incorruptible de Ritty, le premier modèle de caisse enregistreuse de l’histoire. Photo: National Museum of American History.
Les sommes payées par les clients étaient affichées tandis qu’un mécanisme interne les additionnait, mais il n’y avait pas de tiroir et on ne pouvait pas délivrer de reçus avec cette caisse.
Ricky trouva une usine capable de fabriquer sa caisse mécanique, mais on pense qu’il n’en vendit qu’une seule, à un certain John Henry Patterson, qui possédait un commerce de charbon à Coalton dans l’Ohio.
L’essor de la caisse enregistreuse
Incapable de gérer deux affaires à la fois, et préférant la gestion de son saloon, Ritty vendit sa société à Jacob H. Eckert, qui donna à l’entreprise le nom de National Manufacturing Company, en 1881.
Eckert pensait que la caisse devait être mieux équipée pour connaître enfin le succès, c’est pourquoi il ajouta un tiroir et améliorera le son de la cloche qui se faisait entendre lorsque le vendeur appuyait sur le bouton « Total » et que le tiroir s’ouvrait.
On dit que l’intérêt de ce type d’appareil fut accru par la mode des prix psychologiques, par exemple 0,99 $. Cela obligeait le vendeur à ouvrir le tiroir pour rendre la monnaie. Le son de la cloche avertissait le propriétaire du magasin qu’un paiement était en cours, ce qui diminuait les risques de vol.
Toutefois, les caisses enregistreuses étaient mal connues et difficiles à vendre. Eckert fini par revendre sa société à John H.Patterson en en 1884, qui lui donna le nom de National Cash Register Company, appelée NCR Corporation depuis 1974.
Un modèle des années 1880 de la National Cash Register Company. Photo : NCR Corporation
Pour prévenir la fraude, Patterson ajouta un rouleau de papier et un mécanisme d’impression pour éditer des tickets de caisse à chaque transaction : un pour la comptabilité du magasin et un autre pour le client.
Une équipe de vente efficace fut mise en place par la NCR et la caisse enregistreuse connue enfin le succès qu’elle méritait.
Une lente évolution jusqu’à la révolution informatique
Vers 1902, on ajouta un second compteur, capable de totaliser toutes les transactions jusqu’à remise à zéro. Puis en 1906, on ajouta un moteur électrique : la caisse mécanique avait trouvé sa forme quasi définitive. À la fin du XXe siècle on trouvait encore dans les commerces français de très nombreuses machines entièrement mécaniques !
L’apparition des premières caisses électroniques vers 1970 constitua une première révolution technologique : un petit calculateur et un écran à cristaux liquide remplacèrent les engrenages des vieux modèles, mais le principe de fonctionnement était le même.
La Casio Gamme Standard actuelle est dans la droite ligne des premiers modèles des années 1970.
Parmi les pionniers figurent Toshiba et Sharp qui lancèrent leurs premières caisses électronique 1971. La première caisse à microprocesseur fut crée par Toshiba en 1973.
Les constructeurs japonais contribuèrent à démocratiser ces types de caisse, notamment Casio, qui lança avec un peu de retard sa première caisse électronique, la Sigma 50 en 1976.
Les caisses haut de gamme ont désormais presque tous les attributs des caisses modernes, mais elles ne sont pas encore reliées entre elles et l’on est contraint d’effectuer des relevés pour chaque caisse.
La caisse moderne : un micro-ordinateur en réseau
Tout commença en 1973 avec l’IBM 3650, un ordinateur capable d’enregistrer les transactions de 128 caisses enregistreuses reliées par un réseau filaire.
En 1974 la première caisse à microprocesseur embarqué (Intel 8008) fit son apparition chez Mac Donald. L’employé n’avait qu’à indiquer la quantité pour chaque produit préenregistré et la machine calculait le montant dû par le client et les taxes, et envoyait le tout à un ordinateur relié à huit caisses maximum.
Autre innovation de taille en 1974, avec l’invention du lecteur de code-barres, utilisé pour la première fois dans un supermarché de l’Ohio, la patrie de la caisse enregistreuse.
Les années 1980 avaient vu l’émergence d’ordinateurs dotés d’interfaces graphiques occupant un volume raisonnable et financièrement accessible. C’est pourquoi, IBM put lancer la première caisse enregistreuse électronique basée sur un PC, en 1985.
Gene Mosher devant son système de caisse à écran tactile. Photo: GeneMosher, Wikimedia Commons
En 1986, apparut la première caisse à écran tactile, la View Touch, crée par Gene Mosher. Tournant sur un système Atari 520ST, elle est l’ancêtre des points de vente moderne mais elle utilisait un système d’exploitation dédié.
L’interface développée par Mosher comprenait des boutons colorés correspondant aux différents articles. Plusieurs des éléments de son interface, comme les boutons «précédents/suivant» et les onglets furent adoptés plus tard par le navigateur Internet. Voir l’histoire de la View Touch (en anglais) par Gene Mosher lui-même.
De nos jours, les fabricants proposent tous des caisses en réseau avec écran tactile, mais les caisses autonomes comme les Casio Standard sont toujours très populaire en France et sont encore utilisées dans de nombreux commerces de détail.
Les caisses sous Windows
Il fallut attendre 1992 pour voir l’arrivée d’un logiciel de caisse tournant sous Windows. Cette solution, rendue possible par la baisse du coût des microprocesseurs, allait permettre l’essor de l’industrie des logiciels de caisse.
Les premiers modèle utilisaient des logiciels et un matériel propres à chaque marque, mais c’est grâce à l’utilisation des écrans tactiles que les logiciels de caisse sous Windows ont atteint le maximum de souplesse et d’efficacité. En effet, avec un écran tactile indépendant, on peut choisir l’interface la plus adaptée à son commerce (ex : restaurants, bars, fleuriste, pressing etc.).
La caisse du XXIe siècle : dans le « nuage »
Les systèmes de caisse installée sur des ordinateurs des années 1990-2010 comportaient des contraintes telles que la nécessité d’installer et de mettre à jour les logiciels. Avec le développement des réseaux et d’internet, les données et les calculs peuvent désormais être stockées et s’effectuer sur un ordinateur distant, en bon français : dans le Cloud.
Le logiciel de caisse peut fonctionner entièrement à distance via une interface web, ou pour plus de robustesse sur un programme installé localement, qui fonctionne en partie hors-ligne et envoie des données vers les ordinateurs distants, lesquels se chargent du back-office (statistiques sur les ventes, comptabilité, gestion des stocks, etc.).
Il est de plus en plus fréquent de faire tourner la partie front-office du logiciel de caisse sur des appareils mobiles, comme des téléphones ou des tablettes.
De nos jours, on peut bâtir un système de caisse modulaire en ajoutant progressivement des briques (tiroir caisse, lecteur de code barre, etc.) autour de l’appareil mobile. Les systèmes de caisse pour iPad sont particulièrement populaires en France.
Les systèmes de caisse les plus récents incorporent tout ce dont on peut rêver pour faire prospérer son commerce : catalogue de produits avec photos, gestion des stocks, gestion de la clientèle, programme de fidélisation, acceptations de nombreux moyens de paiement, et interface avec d’autres prestataires de service.
La fusion de la caisse enregistreuse du terminal de paiement
La popularité des smartphones et des tablettes a rendu les terminaux mobiles attractifs auprès des petites entreprises. Les modèles les plus simples sont des lecteurs de cartes bancaires connectés à un appareil mobile.
Depuis peu, on voit apparaître des terminaux de paiement intelligents (Smart POS) sur lesquels il est possible d’installer des logiciels de caisse. Poynt lança le premier modèle du genre en 2014. Il fut suivi par la suite par d’autres constructeurs comme Ingenico, Verifone et PAX.
Le smart terminal de Poynt est un croisement entre un terminal de paiement et une caisse enregistreuse. Photo : Poynt.
Avec le boom de l’e-commerce, et du Click and Collect durant l’épidémie de Covid-19, le secteur des terminaux de paiement et des systèmes de caisse a souffert.
Mais tant que l’on aura besoin de réaliser des paiements en face-à-face, en espèces, avec une carte ou un smartphone, la caisse enregistreuse demeurera un élément essentiel du commerce de détail et de la restauration.
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